mardi 1 janvier 2019

La Maison du Bonheur dans le crime devient ambassade

Léon (ou Ernest) Delune, 1905 (?)
L'immeuble magique de l'avenue Franklin Roosevelt
photographié en 2010 sous la dernière neige bruxelloise


A l'occasion de ces fêtes de fin d'année : voici trois photos de l'une des plus mystérieuses maisons Art nouveau de Bruxelles.
Une oeuvre de Léon Delune  (ou à son frère Ernest). D'abord résidence particulière, elle fut transformée en cabaret pour l'
Exposition universelle de 1910 - un orchestre noir y fit découvrir le jazz aux Bruxellois de l'époque!.  
Détail de la façade
Sgraffites d'un artiste inconnu
Abandonné pendant des décennies, entièremet pillé,  l'édifice devint  en 1993 le personnage énigmatique d'un roman policier de Jacqueline Harpman: Le bonheur est dans le crime
Ce fut aussi   le début de sa nouvelle vie. Classé un an plus tard,  puis restauré avec patience par les architectes  du groupe DM, l'ancien cabaret a été revendu aux Emirat Arabes Unis qui en feront bientôt le siège étincelant (qui s'en plaindrait?) de leur ambassade. Les travaux sont presque terminés).


    Cette photo  a été prise dans la nuit  du 31 décembre 2018 et du 1er janvier 2019 

mardi 3 avril 2018

Dixième promenade. Les éblouissements.


Dixième promenade.
Les éblouissements.

De Horta à Horta


Point de départ, 224 avenue Louise (trams 81, 83 et 94, bus 54)


1 - Hôtel Solvay, construit par Victor Horta, 224 avenue Louise (1898)
Hôtel Solvay - Victor Horta (1894-1898)
Ici 224 avenue Louise, Victor Horta signe son chef d'oeuvre absolu. C'est l'hôtel de maître le plus somptueux qui soit. Il est vrai que dès le départ, il dispose de tous les moyens nécessaires. Son commanditaire, Armand Solvay, est le neveu richissime d'Ernest Solvay, fondateur d'une des plus puissantes sociétés belges. C'est peu après son mariage qu'il a commandé cet hôtel de maître au jeune audacieux qui révolutionne toutes les conceptions architecturales de l'époque. Il lui ouvre largement sa bourse et lui donne carte blanche pour mener à bien - et comme il l'entend - un projet grandiose. Le chef d'oeuvre exige quatre années de patience (1894-1898), mais le résultat est époustouflant : Horta est le maître absolu d'un Art nouveau dont il est à la fois le concepteur et le père spirituel. Soucieux du moindre détail, il ne terminera d'ailleurs l'aménagement intérieur qu'en 1903: bois précieux, vitraux en verre américain, bronzes, marbres, cuivres, fers forgés, lustres déjà électriques, meubles, tout tout doit engendrer une symphonie de couleurs magnifiée par une peinture majeure du peintre néo-impressionniste Théo Van Rysselberghe. Cet intérieur n'est accessible au public qu'en de très rares occasions.

Porte d'entrée de l'Hôtel Solvay
Victor Horta (1894-1898)
En quittant l'hôtel Solvay, remontez l'avenue Louise (côté impair) jusqu'au carrefour de la rue Paul-Emile Janson. Arrêtez-vous au n°6 de cette rue.

2 – Premier chef d'oeuvre de Victor Horta, l'hôtel Tassel, 6 rue Paul-Émile Janson (1895)

L'Hôtel Tassel (Victor Horta 1895-1898)
Construit avant l'hôtel Solvay, entre 1893 et 1895, cet hôtel de maître constitue l'acte de naissance officiel de l'Art nouveau. Et son  véritable manifeste. Commandée par Émile Tassel, professeur à l'Université libre de Bruxelles et photographe amateur, c'est une création architecturale et esthétique innovante qui ne pouvait surgir qu'à Bruxelles, ville en pleine croissance démographique mais rétive à toute idée d'habitat collectif. Le chacun chez soi est la règle, et le sol est découpé en parcelles étroite de 5, 6, 7 ou 15 mètres de largeur (hôtel Solvay) et de 30 à 50 mètres de profondeur. Sur ces “parcellaires”, les architectes ont longtemps multiplié les bâtisses néo-classiques à la française (trois fenêtres en façade, 10 mètres de profondeur, ou 15 avec des pièces centrales sans lumière). Horta invente le puits de lumière qui éclaire toute la maison d'une lumière zénithale et utilise les structures en acier qui libèrent les volumes. L'intérieur de l'hôtel Tassel est une succession merveilleuse d'espaces libres ornés de fers forgés, de sols mosaïqués en volutes, de glaces qui prolongent les espaces, de percées lumineuses et de vitraux en verre américain dessinés par le maître lui-même. Le moindre détail, poignée de porte, serrure, clé, tout est original et artisanal. Horta prend trois ans pour achever cette oeuvre programmatique suscitant d'abord les sarcasmes de la bourgeoisie conservatrice puis la passion européenne de toute une nouvelle génération avide de modernité
La lumière, toute la lumière 

La façade n'est plus ennuyeuse. Elle devient média. Porteuse d'une philosophie esthétique, elle reflète l'esprit, le goût, la sensibilité, l'individualisme du propriétaire. Une inventivité nouvelle surgit. Le bow-window central est structuré par descolonnettes de pierres blanches supportant des linteaux métalliques bien visibles. Sculptées en volutes, elles se prolongent en meneaux d'acier au second étage. Dans la première partie, derrière les colonnettes, un vitrail abstrait à dominantes bleues dans la seconde une vaste baie vitrée avec double porte centrale et garde de corps en fer forgé selon de rigoureuses lignes courbes. Spectaculaire, ce bow-window est couronné par un balcon ouvert sur trois fenêtres qui donnent l'impression d'être enfermées dans un trapèze. Cette grande monumentalité centrale s'inscrit dans un plus vaste rectangle percé latéralement de modestes ouvertures venant en contrepoint du bow-window. C'est du jamais vu.

Dans le premier numéro de la nouvelle revue française Art et Décoration, qui paraît pour la première fois en janvier 1897,
Thiébault-Sisson, son rédacteur en chef, 
Art et Décoration 1897 N°1
1er article consacré à Victor Horta 
consacre huit pages
(sur 32) à la maison Tassel. Titre de l'article “Victor Horta: un novateur”. Il suffit de regarder la succession monotone des maisons construites à la même époque dans la rue Paul-Émile Jansson pour comprendre ce que cette expression signifie pour Bruxelles et...pour le monde entier (le même premier numéro d'Art et Décoration est d'ailleurs consacré exclusivement à la révolution esthétique qui enflamme Bruxelles).


3 – Maison construite par Albert Roosenboom, 83 rue Faider (1900)

Cinq ans après la construction de  l'hôtel Tassel, 83 rue Faider, Albert Roosenboom (1871-1943), qui fut dessinateur chez Horta, écrit une nouvelle page de l'Art nouveau bruxellois.
83 rue Faider,
Albert Roosenboom (1900)
Comme pour l'hôtel Tassel, le bow-window surmonté d'un balcon au deuxième étage structure la façade. Mais la grande subtilité de celle-ci tient aux rythmes asymétriques des ouvertures. Cinq fenêtres étroites au deuxième étage, un jeu de trois/cinq fenêtres plus larges au second, et puis le bow-window qui se divise en cinq parties n'ayant aucun rapport avec cel
nles qui sont plus haut . Enfin le rez-de-chaussée se décompose en deux parties égales séparées par un large pilier. La porte d'entrée à deux battants très ajourés est garnies de fers forgés en coups de fouet. Ici, toutes les règles classiques de la symétrie et de l'harmonie architecturale sont envoyées au diable... C'est un peu l'anarchie, mais une anarchie bien maîtrisée. La liberté en somme. Roosenboom s'est fait plaisir, grâce à l'utilisation de l'acier, il a montré que tout était possible. Mais c'est un coup d'éclat sans lendemain pour lui. Ses clients préféraient le néo-rococo. Dommage!
A part l'étonnant panier renversé peint en noir qui sert de garde-corps au balcon, toute la façade dans ses parties hautes est en briques et en pierres blanches. Idem pour les boiseries et les ferronneries Art nouveau qui sont peintes en
Un sgraffite très symboliste 
attribué à Privat-Livemont blanc.



blanc. Cette blancheur voulue met en évidence le grand sgraffite polychrome rehaussé d'or que Privat Livemont aurait dessiné pour cette façade magique. Restauré en 1992-1993, c'est lui qui donne la tonalité du message envoyé aux passants : jouissance et plaisir de vivre auront rarement été autant exaltés en architecture.

Avant de poursuivre la promenade en partant vers la gauche, regardez à droite le 85 rue Faider.  Une oeuvre du génie précoce  Armand Van Waesberghe, qui a construit cette maison en 1899 – il a à peine 20 ans selon sa bibliographie (voir notre article du 10/2/2017 "Le Rimbaud de l'art nouveau bruxellois", et la 9ème promenade (7/1/2018) . De l'autre côté, au 71 rue Faider, façade en briques nues, pierres blanches et pierres bleues d'une modeste maison tout à fait néo classique construite en 1899.
Les sgraffites du 71 rue Faider 

Mais elle est ornée d'une impressionnante série de sgraffites Art nouveau restaurés dont le thème impressionniste reste un peu mystérieux, jouant sur la rose des vents (tout en haut) et sur la femme gardienne du foyer. Procédé relativement peu coûteux, les sgraffites ont beaucoup été ulilisés à la fin du XIXème siècle pour établir une sorte de dialogue silencieux entre la maison et les passants.

4 – Hôtel Goblet d'Alviella d'Octave Van Ryselberghe, 10 rue Faider (1883)

Traversez la rue Defacqz et rendez-vous au 10 rue Faider. devant l'hôtel Goblet d'Alviella. On est très loin de l'Art nouveau qui surgira seulement dix ans plus tard. Mais ce "palais urbain" (en très mauvais état) est  orné des premiers sgraffites réalisés à Bruxelles. 
Sgraffites attribués au peintre Emile Baes 
Ils sont attribués au peintre Émile Baes, d'après les dessins du sculpteur Julien Dillens. De plus cet hôtel, de style renaissance italienne, daté de 1883, est signalé ici parce qu'il est l'oeuvre d'Octave Van Rysselberghe qui l'a lui-même occupé avant de construire quelques années plus tard dans le même quartier la maison que vous allez découvrir  ensuite. Le contraste entre les deux bâtiments est saisissant et permet de mieux comprendre l'esprit révolutionnaire qui a animé les architectes novateurs.
Le style Octave Van Rysselberghe (1883)
avant le style Van Rysselberghe Octave (1894)

5 – Hôtel Otlet, construit entre 1894 et 1898 par Octave Van Rysselberghe (et Henry Van de Velde), 78 rue de Livourne et 13  rue de Florence 

Hôtel Otlet, Octave Van Rysselberghe (1894-1898)
Faites demi-tour et prenez, à gauche, la rue de Florence. A l'angle de la rue de Livourne, vous verrez immédiatement l'hôtel Otlet.



78 rue de Livourne, Octave Van Rysselberghe y signe entre 1894 et 1898 un des chefs d'oeuvre de l'Art nouveau pour le compte de Paul Otlet (1868-1944). Ce juriste, pacifiste et visionnaire. anticipait déjà l'internet en mettant au point un premier système de classification universelle et en rêvant d'une sorte de bibliothèque accessible à tous: “la table de travail n'est plus chargée d'aucun livre, à la place, un écran et un téléphone.” Octave Van Rysselberghe, frère du peintre post impressionniste Théo Van Rysselberghe.
Porte d'entrée de l'Hotel Otlet
Vitrail de H. Van de Velde
 
 réalise pour ce génie sa première maison d'inspiration Art nouveau.
Un modèle de sobriété et de fluidité. Très éloigné du style Horta, il se distingue néanmoins nettement de son environnement néoclassique par la très grande liberté dans l'organisation des volumes. Henry Van de Velde y a créé le mobilier et d'extraordinaires vitraux abstraits dont l'un se trouve au dessus de la porte d'entrée.





6 – Hôtel Ciamberlani construit par Paul Hankar, 48 rue Defacqz (1898)

48 rue Defacqz, Paul Hankar, autre figure emblématique de l'Art nouveau bruxellois construit en 1898 la somptueuse demeure d'Albert Ciamberlani (1864-1956). Ce peintre peintre symboliste et idéaliste voire rosi-crucien, est bien oublié aujourd'hui. Mais en son temps il fut couvert d'honneurs et de succès. Il s'était spécialisé dans l'art monumental, notamment dans la décoration de l'hôtel de ville de Saint-Gilles (voir promenade n° 2 du 15 août 2013). C'est lui aussi qui a dessiné les magnifiques sgraffites qui orne la façade de son hôtel particulier.
Le fabuleux décor mythologique de la façade de l'hôtel Ciamberlani
Une oeuvre du maître des lieux
Menacés longtemps de disparition, ces sgraffites ont été superbement restaurés et rendent un magnifique hommage postume au peintre et à l'architecte. La façade, asymétrique, légèrement remaniée au fil du temps, est tout simplement
Une composition architecturale
stupéfiante
 
ébouriffante. S'appuyant sur une base quasiment néoclassique (sous-sol et rez-de chaussée), les étages supérieurs s'envolent littéralement dans une compostion géométrique où les deux fenêtres en arcs délicatement brisés et outrepassés du premier étage servent de support à  la composition du peintre. Rongée par les intempéries et la pollution urbaine, cette peinture murale, destinée à établir un échange naturel entre l'artiste et la rue, faillit bien disparaître complètement. Elle a bénéficié d'une restauration 
Corniche imaginative
remarquable qui lui a rendu tout son éclat et toute sa signification. Au dessus, dernier étage, une baie s'ouvrant sur toute la largeur de la maison est divisée par de triples meneaux métaliques très fins en sept parties surmontés par sept médaillons placés dans un décor stylisé d'héliotropes (allégories du bien et du mal). 
La corniche est tout aussi étonnante. Soutenue par neuf  doubles consoles en fer forgé Art nouveau, elle constitue une étroite galerie de bois 
couronnant luxueusement la façade. Quant aux fers forgés du balcon, il faut sans doute deviner un message ésotérique dans ces quadruples cercles emboîtés les uns dans les autres.

Un message ésotérique  à destination des promeneurs et des passants.
Qui en percera le mystère?


Maison Janssens
Paul Hankar (1898)
Juste à côté de l'hôtel Ciamberlani, au 50 rue Defacqz, Paul Hankar construit également en 1898 la maison Janssens. La partie dominant le bow-window a été rehausséee de deux étages en 1905 après le décès du jeune architecte. Malgré ce remaniement, les contrastes entre les deux demeures mais aussi les similitude décalées (fenêtres rondes éclairant le demi sous-sol, par exemple) montre tout le génie inventif de Paul Hankar que l'on retrouve dans sa maison personnelle, un peu plus haut dans la rue.

7 – Maison personnelle de Paul Hankar

Au 71 rue Defacqz, Paul Hankar donne en même temps qu' 
Maison personnelle
Horta le coup d'envoi de l'ART NOUVEAU. On est en 1893, Horta entame la construction de l'Hôtel Tassel, Hankar celle de sa propre sa propre maison.Il est toujours impressionnant de découvrir à quel point les inventeurs de l'Art nouveau bruxellois, travaillant modestement sur un territoire extraordinairement restreint, ont pu marqué au niveau planétaire l'imagination de leurs contemporains.
Né en 1859, Paul Hankar meurt en 1901, à 42 ans. Il est donc pressé par le destin. Sa maison personnelle, à deux pas de l'hôtel Ciamberlani, est une des premières oeuvres 



 marquantes du nouvel art. Elle sort de terre en 1893, en même temps que l'hôtel Tassel de Victor Horta. Et si Paul Hankar puise encore son inspiration dans la Renaissance flamande, il y inclut déjà tous les stigmates d'un Art nouveau.  La structure de l'oriel, pierre bleue et métal apparent, est ornée de sgraffites japonisants mettant en scène des chats ou un tigre roux du Bengale dessinés par Adolphe Crespin
Sgraffite japonisant d'Adolphe Crespin
(admirons au
passage l'innovation qui consiste à mêler armature métallique et sgraffites). Le fer forgé supporte une large corniche qui protège le balcon des intempéries et du soleil trop ardent. Sous celle-ci, la symbolique du temps qui fuit inexorablement, le pigeon au soleil levant, l'hirondelle du soir, la chauve-souris de la nuit. Le bestiaire de Hankar ne s'arrête pas là. Papillon, salamandre, scorpion, guêpe et autres bestioles sont taillés en médaillons dans la pierre bleue des consoles.

La couleur de la pierre engendre de nouvelles harmonies :
 moellon et brique rose,
L'Art Nouveau fait son apparition
 cette année-là
 pierre blanche et pierre bleue créent une sorte de symphonie inédite. Et entre les baies géminées, au dessus de la porte d'entrée, entourée de deux bouquets d'hortensias blanc, la date de 1893 acte officiellement la naissance de l'Art nouvea
u.

Chaussée d Charleroi - La rue Defacqz aboutit dans la chaussée de Charleroi. Prendre celle-ci à gauche jusqu'à la rue Américaine. En passant, remarquez sur la droite, au 229 chaussée de Charleroi, une façade classique entièrement 
Sgraffite anonyme mais significatif 
recouverte de sgraffites italianisants. Un cartouche indique la date de 1892, une année avant les réalisations majeures de Horta et Hankar. Ces sgraffites précurseurs témoignent déjà de 
l'esprit qui animent les Bruxellois, de leurs désirs de faire de leur maison un lieu unique et esthétique.


8 - La maison du compositeur Arthur De Greef

Un peu plus avant, 226 chaussée de Charleroi, Ernest van Humbeek construit en 1899 la maison du compositeur Arthur De Greef, particulièrement remarquable depuis sa restauration. Caractéristique : la très belle baie du rez-de-
Maison du compositeur Arthur Degreef
Ernest Van Humbeek, 1899
226 chaussée de Charleroi

chaussée surélevé. Avec son garde-corps en fer forgé à motif floral Elle est divisée par deux colonnes métalliques se tranformant en console pour porter la logette en bois du premier étage elle-même couronnée par un balcon au délicat garde-corps. Hélas! la porte d'entrée a été transformée dans les années '30 marquant un grand retour en arrière.


Prenez maintenant la rue Américaine, elle, conduit directement au Musée Horta.

9 –- Musée Victor Horta, 23-25 rue Américaine (1901)

La maison personnelle de Victor Horta aurait pu disparaître comme tant d'autres oeuvres majeures des architectes Art nouveau si la commune de Saint-Gilles ne l'avait achetée en 1961 pour la faire classer deux ans plus tard. A la même époque, pour une opération immobiliére hideuse, le Parti socialiste belge décidait, sans état d'âme, de raser la Maison du Peuple qu'il avait pourtant commandée au même Horta en 1896 signifiant par ce choix son ouverture à la modernité et au tout proche XXème siècle. Quel symbole!
La salle à manger de Victor Horta telle qu'elle a pu être reconstituée.
Cette maison servait  d'exposition et de démonstration du savoir faire de l'architecte
 
La commune de Saint-Gilles a été mieux inspirée. Chance suprême, la maison et l'atelier (acquis un peu plus tard) n'avaient souffert d'aucune transformation désastreuse ou irrémédiable. Et si le mobilier original conçu par Horta avait disparu, il a pu être partiellement recomposé. Même les cuisines ont été remise dans leur état original 

La cuisine est strictement d'époque!
En 1969, la maison de Horta s'ouvre au public et devient musée (*). Une destination imprévue mais d'autant plus heureuse que, pour Horta, sa demeure était aussi la “vitrine de son savoir-faire”. C'est donc le lieu idéal pour pénétrer dans l'univers rêvé du grand architecte. Laissez-vous envoûter par ce lieu unique où ferronneries, boiseries, meubles, carrelages, vitraux et lumière génèrent un sentiment d'harmonie et d'élégance. Même les cuisines ont été conservées 
Vue sur le jardin 
(en cours de restauration)






*Accès direct au musée: trams 81, 91, 92, 97 et bus 54 (place Janson)
*Heures d'ouverture du musée : de 14h à 17h30 (tous les jours sauf le lundi et les jours de congés officiels (1er janvier , dimanche de Pâques, 1er mai, Ascension, 21 juillet, 15 août, 1er novembre, 11 novembre, 25 décembre)
Prix d'entrée : normal 10 euros (enfants 5euros) Les visites en groupes en français, néerlandais, allemand, anglais et italien sont organisées le matin. Elles se font exclusivement sur rendez-vous pour une période d'une heure et pour quinze personnes au maximum
Contact avec le secrétariat : tél. +32 2 543 04 90 / fax +32 2 543 04 90. Adresse électronique info@hortamuseum.be)



10 - 27 et 53 rue Américaine - Maisons construites par Jules Brunfaut et Camille Damman

Jules Brunfaut (1900)
Tandis que Victor Horta parachève son oeuvre, deux autres architectes Art nouveau construisent d'autres demeures dans la même rue. 27 rue Américaine, Jules Brunfaut édifie juste à côté de la maison Horta une grande bâtisse asymétrique éclectique dans les mêmes tonalités. On est en 1900, deux ans plus tard Brunfaut se rendra célèbre avec le fabuleux hôtel Hannon (voir ...ème promenade). 
Camille Damman (1900)

Cette maison a été logiquement  acquise par la commune de Saint-Gilles qui en a fait la nouvelle entrée du Musée Horta.
Au 53 rue Américaine, Camille Damman respecte les apparences classique mais introduit de nombreux éléments Art nouveau: vitraux, boiseries mais surtout une étonnante grille en fer forgé qui partant de la fenêtre du sous-sol se transforme subtilement en garde-corps de la grande baie du rez-de chaussée.

11 – 5, 7 et 78 Rue Africaine, 
Après la rue Américaine, la rue Africaine. Au 5 rue Africaine, bel immeuble Art nouveau, très sobre. Elévation en brique rouge rehaussée de brique blanche, de pierre blanche et de pierre bleue. Façade asymétrique : l'utilisation de linteaux métalliques apparents au dessus de la porte d'entrée et de la triple fenêtre de gauche permet l'installation d'un corps de cheminée en façade à partir du premier étage et le décalage complet des deux fenêtres de gauche. Baies de formes
Sgraffite du 5 rue Africaine 
variées rehaussées par de très beaux sgraffites mythologiques féminins (Ceres, Flore etc.). Sous la corniche, d'autres sgraffites typiques de l'Art nouveau. La maison voisine (n°7) et le 78 sont également ornés de beaux sgraffites.


12 - Hôtel de maître signé Benjamin de Lestré, 92 rue Africaine (1904)

Né à Grammont, en 1865, Benjamin de Lestré de Fabribeckers assied sa réputation en remportant en 1899 le premier prix d'un concours de façades organisé par la commune d'Ixelles pour le nouveau quartier Saint-Boniface* (voir une prochaine promenade...). Il ne semble pas que cet immeuble ait été réalisé

En 1905 au 92 rue Africaine, il exprime de façon géniale et visible 
ce qui justifie fondamentalement la raison d'être de la nouvelle architecture : l'ouverture à la lumière . 
Benjamin de Lestré
92 rue Africaine 1905
La façade asymétrique est dans le style Art nouveau géométrique inspiré par Paul Hankar. Elle est extrêmement complexe dans sa structure. Au rez-de-chaussée deux baies seulement : une porte cochère à deux battants largement ajourés (avec un remarquable mélange de boiseries et de fer forgé) et une grande fenêtre défendue également par une grille en fer forgé.. Le pilier central de ce rez-de-chaussée a nouvelle architecture : l'ouverture à la lumière . La façade asymétrique est dans le style Art nouveau géométrique inspiré par Paul Hankar. Elle est extrêmement complexe dans sa structure. Au rez-de-chaussée deux baies seulement : une porte cochère
à deux battants largement ajourés (avec un remarquable mélange de boiseries et de fer forgé) et une grande fenêtre défendue également par une grille en fer forgé...  
Le pilier central de ce rez-de-chaussée sert d'appui à deux linteaux métalliques qui soutiennent le large bow-window éclairant tout le bel étage (pièce de récepton). Ce bow-window est surmonté d'un grand balcon courbe avec garde-corps en fer forgé. On y accède par une baie en forme de cercle presqe complet occupant toute la largeur de la façade et divisée en trois par deux menaux de pierre bleue qui se transforment en console pour soutenir la balcon du troisième étage C'est du jamais vu avant l'Art nouveau et ce sera peu réalisé ultérieurement.
La façade est colorée : brique claire rehaussée de pierre blanche et bleue. Mais ce qui attire l'oeil et fascine ici, c'est le remarquable travail décoratif Art nouveau en fer forgé et en pierre bleue qui utilise de façon répétée un élément au symbolisme caché : le double cercle enchassé porté par trois tiges végétales stylisées. Que signifie-t-il aux yeux des profanes? Mystère de l'ancienne Égypte, peut-être! Mais mystère bien dans l'esprit de l'époque où les nouvelles classes dirigeantes veulent afficher leurs goûts et leurs convictions ésotériques... La façade devient porteuse d'un message.
Superbe jeux de portes rarement égalé 
Un mot de commentaire sur le décor intérieur largement conservé malgré l'introduction tardive d'une cage d'ascenceur : si toutes les portes du large hall d'entrée sont Art nouveau, le bel étage trahit la schizophrénie des premiers propriétaires déchirés entre aspiration moderniste et goût inébranlable pour la tradition (en l'occurrence : néo-renaissance flamande et cuir de Cordoue). Mais la lumière finit quand même par gagner. La somptueuse pièce arrière du premier étage est éclairée par une seule grande baie.
Tout est dans l'art de capter la lumière
13 - Parvis de la Trinité.

A deux pas de la maison construite par de Lestré, ne manquez pas la façade aux hirondelles du 6 parvis de la Trinité (*)
Ce n'est qu'un immeuble de rapport dont l'architecte est inconnu mais sa façade est un véritable chef d'oeuvre éblouissant.                                              .
6 Parvis de la Trinité, immeuble daté de 1909,
 presqu'à la fin de la période Art nouveau 

En briques émaillées blanches et bleues, elle  est bien dans le ton de l'Art Nouveau avec ses garde-corps en fer forgé, son élégante corniche en bois s'appuyant sur des aisseliers entre lesquels s'envolent des hirondelles (carreaux de céramique). On s'attend presque à les voir maçonner leurs nids. Poétique aussi le profil féminin dans l'arrondi, entre le deuxième et le troisième étage.
Le rez-de-chaussée de pierre bleue qui a conservé en façade presque tous ses éléments d'origine, abrite aujourd'hui une maison de thé traditionnelle "chinoise” le Cha Yuan. 

(*)  A l'origine, la façade de l'église de la Trinité se trouvait au milieu de l'actuelle place de Brouckhère. Elle a été démontée et réédifiée ici à la fin du XIXème siècle.

14 - Enfin une pause!

Au 75, rue du Bailli, surprise : vous y trouverez Les Caprices du Bailli. Cette, pâtisserie établie depuis 1900 

Les Caprices du Bailli, inchangés depuis la belle époque
dans une maison néoclassique est l'un des rarissimes    établissements bruxellois a avoir conservé l'intégralité de son décor et de son mobilier d'époque. On y pénètre par une double porte à “petits-bois” de style Art-nouveau. L'intérieur garni de miroirs biseautés est éclairé par un superbe vitrail à motifs floraux.

Si vous n'appréciez ni les pâtisseries bruxelloises, ni le thé chinois, rejoignez la place du Châtelain où une pizzeria italienne, le Basta Cosi, se cache derrière les vitrines Art nouveau d'un ancien magasin. D'autres bistrots, cafés et restaurants se trouvent sur cette place qui accueille tous les mercredi un marché très à la mode.

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Malgré nos recherches, il ne nous a pas toujours été possible de déterminer la date du décès des architectes ou des artistes ayant réalisé une oeuvre montrée dans cet article ou de contacter leurs ayants droit. Toute précision ou information  sera immédiatement prise en compte. Sans autorisation, le ou les documents photographiques concernés seront immédiatement retirés. 

Toutes les photos de ce blog sont de l'auteur