vendredi 27 septembre 2013

PROMENADE n°3. Saint-Gilles : de merveilles en merveilles



PROMENADE n°3. Saint-Gilles : de merveilles en merveilles
Point de départ: place Paul Emile Janson au carrefour de la rue Defacqz et de la chaussée de Charleroi (trams 81, 92 et 97)

Cette promenade traverse un autre quartier de Saint Gilles. Nous y découvrirons
quelques-unes des réalisations les plus spectaculaires de l'Art nouveau bruxellois.

1- Les sgraffites de la rue Morris
La rue Morris relie la chaussée de Charleroi à la chaussée de Waterloo. En son milieu, sur la rive gauche les numéros 52, 56, 58 et 60: quatre maisons d'allure classiques mais aux caractéristiques art nouveau discrètement affirmées. Sous les corniches de ces quatres maison, de très beaux sgraffites signés Adolphe Crespin qui avait décoré la maison personnelle de Victor Hankar.

Sgraffite d'Adolphe Crespin pour le 58 rue Morris

Malheureusement les façades de ces maisons n'ont pas encore été nettoyées ce qui nous replonge dans le climat des années '60-'70 quand toute la ville, noire de suie et d'émanations pétrolières, était livrée à la spéculation immobilière

2 - Rue d'Irlande : Hankar et Van Waesberghe

Consoles de la logette du 70 rue d'Irlande
                  Paul Hankar 1896)
En 1896, au 70 rue d'Irlande, Paul Hankar entreprend la construction de la modeste maison-atelier du peintre Jean Gouweloos. Principale caractéristique: la logette supportée par deux paires de consoles en fers forgés mélangeant Art nouveau et style médiéval. Juste en face, 8 ans plus tard, les frères des écoles chrétiennes construiront l'Ecole Saint Luc (architecture, arts décoratifs etc) en style....gothique!

Un peu plus bas au 52 rue d'Irlande, Armand Van Waesberghe construit pour ses soeurs une petite maison que certains considèrent comme son chef d'oeuvre. Le plus jeune et le plus pétillant des architectes Art nouveau mêle ici audacieusement les formules modernistes et le... gothique flamboyant (avait-il anticipé la création de l'école Saint-Luc cinq ans plus tard?
                               Armand Van Waesberghe (1899)

2 – Rue Maurice Wilmotte

En 1902, 28 rue Maurice Wilmotte, William Defontaine construit sa propre maison au coin de la rue d'Espagne et de la rue Maurice Wilmotte. .  D'une grande simplicité apparente, la façade asymétrique qui donne sur la rue Wilmotte surprend par son rythme: 3-5-3 et sa porte japonisante.
Maison personnelle de William Defontaine (1902)              

L'annexe du corps principal longe sur un seul niveau la rue d'Espagne et sert d'assise à une vaste terrasse bien orientée pour recevoir le soleil d'après-midi . Le jardin d'hiver qui occupe une partie de cette terrasse a été dessiné par l'architecte en 1908.
       Au deuxième étage, un mur aveugle est ornéd'une une allégorie de l'architecture (ou de la franc-maçonnerie)
                                    
(La rue Wilmotte est riches aussi de plusieurs autres habitations de style art nouveau : mentionnons simplement la belle façade de briques et pierres blanches du n° 26, celle en briques vernissées blanches et vertes du n°19, et enfin celle en briques jaunes et pierres bleues du n°14.)



3 – Rue d'Espagne

Au 42 rue d'Espagne , belle maison Art nouveau (dont nous n'avons pas pu identifier l'auteur). Elle est en briques rouges et pierres bleues. Facade asymétrique une fois encore. Au rez-de-chaussée, porte cochère composée de deux formes ovales tranchées.
                                                           Porte du 42 rue d'Espagne
Au premier étage une seule grande baie vitrée divisée par des meneaux distribue une maximum de lumière à l'intérieur de la salle de réception. La porte centrale donne sur un balcon qui court tout le long de la façade avec un léger garde-corps d'inspiration néo-gothique.

                                                Au dessus de cette baie, sous arcades, 
                     cinq sgraffites constituant un seul motif floral avec figure féminine en sont centre.

La maison voisinne, 40 rue d'Espagne, est ornée sous la corniche d'un superbe sgraffite floral stylisé avec une figure féminine centrale à la chevelure en coup de fouet.
                                        Sgraffite du 40 rue d'Espagne (auteur inconnu)


4 – Rue de Pologne
Les frères Toisoul ont construit aux 35 et 38 rue de Pologne deux maisons qu, face à face, dialoguent depuis plus un siècle.
Au n°35 rue de Pologne, façade de pierres et de briques blanches. La travée étroite, décalée par rapport à la travée principale, est asymétrique: porte et fenêtre au rez de chaussée, deux fenêtres étroites à l'entresol, une fenêtre au second entresol et trois fenêtres au 3ème. 

















35 rue de Pologne. Toisoul Frères

 La travée principale est toute axée sur la captation de la lumière: larges baies vitrée au rez-de -chaussée surélevé et à logette qui est surmontée d'un balcon avec un délicat garde-corps en fer forgé.
Pour ce dernier étage, l'architecte change de rythme et place une porte étroite et une fenêtre latérale . De quoi, une fois de plus, envoyer la symétrie au diable

                                                   Dernier étage du 35 rue de Pologne

Au 38 rue Pologne, la composition est radicalement différente. Presque totalement symétrique. La double porte d'entrée est sous un auvent dominé par une imposte placée dans un encadrement de pierre ovoïde impressionnant. La travée large est dominée par une logette monumentale supportée par trois consoles et dominée par un balcon avec garde-corps en fer forgé. En somme deux variations sur le même thème.

                                    Encadrement monumental de la porte du 38 ru de Pologne
                                                               (Toisoul Frères)

Un peu plus bas, construite à la fin du XIXème siècle, la rue de Tamines possède du côté pair quelques belles maisons teintée d'Art nouveau et particulièrement celle construite en briques blanches et pierres bleues par Edouard Courtenay au 12 rue de Tamines avec ses fers forgés flamboyant d'inspiration néo-gothique.

5 – Place Morichar, Ernest Blerot se surpasse

Juste au tournant du siècle (1899-1900), 41 Place Louis Morichar, Ernest Blerot construit l'une des maisons plus emblématiques et les plus enchanteresse de l'Art nouveau bruxellois. 
41, Place Morichar,
l'une des pus belle réalisation d'Ernest Blérot 
Sa façade est en soi un véritable tableau urbain mêlant tous les matériaux de construction disponible (pierre blanche, pierre bleue, fer forgé, bois, mosaïque, vitraux) dans une symphonie poétique magistralement orchestrée. L'environnement est idéal. Placée en bordure d'une très grande place, récemment restaurée, elle peut être vue à distance comme un joyaux dans son écrin.
                         
La façade est asymétrique, triangulaire (les baies occupent un peu moins d'espace à chaque étage). Mais ce n'est qu'un détail parmi d'autres. La porte d'entrée - boiserie en gerbe liée, verre opaque et fers forgés ovoïdes, boîte-aux-lettres-poignée-de-porte en coup de fouet - est surmonté par un vitrail qui s'inscrit aussi dans une forme ovoïde, mais inversée. Tout le génie décoratif de Blérot est là.  

La baie vitrée latérale est découpée par des petis bois Art nouveau renfermant une grande scène bucolique vitraillée en verre américain (bord d'étang). Au premier étage, se partagent l'espace un bow-window trapézoïdal étroit et une large porte fenêtre donnant sur un petit balcon avec garde-corps en coup de fouet. Cet ensemble est couronné par une autre scène bucolique en mosaïque: à gauche chant du coq au soleil levant, à droite le hiboux de la nuit.
                            
Enfin, au deuxième étage, les trois baies vitrées surmontées par une autre mosaïque – vol d'hirondelles – sont enveloppées d'un encadrement fluide de pierres blanches. Toute cette scénographie bucolique correspond bien à la mentalité des nouveaux bruxellois qui sont souvent des campagnards urbanisés de fraîche date.

Juste à côté de cette superbe maison, les 43 et 44  place Morichar sont plus classiques mais ont tous deux  quelques beaux éléments Art nouveau.
Étonnant vitrail d'imposte quasiment cubiste au 
43 place Morichar














6 - Georges Delcoigne  toise Ernest Blerot

En 1899, en même temps qu'Ernest Blerot construit le 41 place Morichar, juste en face, 14 place Morichar, Georges Delcoigne (1870-1916) construit sa propre maison. 


                                        14 place Morichar   (Georges Delcoigne 1899)

C'est un architecte jeune et moderniste. Il a 29 ans. Comme celle de Blerot, sa maison est un véritable poème urbain
                                                               
La façade en pierre blanche d'Euville est très complexe. La travée étroite de la porte d'entrée (boiseries et fers forgés floraux) est surmontée d'un oriel décalé qui court sur toute la hauteur et se termine par un petit balcon.

        Le second étage avec ses sgraffites  allégoriques de la musique et de la peinture

La travée principale rythmée sur trois fenêtre est coupée au premier étage par un grand balcon et au second par une porte centrale avec garde-corps en fer forgé entourée de deux sgraffites polychromes, allégories, l'un de la musique et du chant, l'autre de la peinture. Le choix des coloris met en évidence la beauté de la pierre blanche d'Euville .
C''est la seule maison Art nouveau de Georges Delcoigne.

Au coin de la place Morichar et de la rue de Roumanie, remarquez un immeuble de rapport d'une grande simplicité mais orné de sgraffites directement inspirés par l'école de Glasgow.

7 – Vizzavona en Roumanie

Au 40 rue de Roumanie, Paul Vizzavona conçoit en 1905 une maison très originale en briques claires, rehaussées de briques jaunes et de pierres bleues. C'est une composition où l'on voit une fois de plus combien les architectes de l'Art nouveau inventent au jour le jour leur esthétique.


Baies du 2ème et du 3ème étage du 40 rue de Roumanie.
Une composition unique de Paul Vizzavona (1905)

Ici, le grand rectangle que forme la façade, plus haute que ses voisinnes, sert de base à un jeu de courbes totalement inédit : plein ceintre pour la grande vitrine du rez-de-chaussée et la baie unique du dernier étage. Entre les deux, variations sur cercles et rectangles rehaussées à tous les étages par des fers forgés délicats. Et comme si cela ne suffisait pas, la corniche d'une exceptionnelle largeur impose son retangle comme un horizon indépassable. Il y a de quoi rester rêveur.

8 - Rue de Parme 

En descendant la rue de la Victoire, il faut jeter un coup d'oeil au 26 rue de Parme. Fernand Symons y a construisit en 1897 une belle et grande maison teintée d'Art nouveau. 
Superbe sgraffite ésotérique admirablement restauré,  au 26 rue de Parme
Elle abritait un établissement photographique. Cette demeure a été considérablement transformée quelques années plus tard (en style néo quelque chose) mais elle a conservé ses superbes sgraffites récemment restaurés.
9 -  Rue de de la Victoire 

Porte d'entrée du 71 rue de la Victoire 
Plus bas, rue de la Victoire,  on passe devant un imposant hôtel de maître Art nouveau en pierre blanche construit entre 1907 et 1910 par Joseph Purnelle (71/71A rue de la Victoire)


Porte de service 

 Belle porte d'entrée avec panneaux de verre moulé protégés par des fers forgés art nouveau . Idem pour la porte de service. 


10 - Horta rue Hôtel des Monnaies
Un peu plus loin, prendre à gauche. Au 40 rue Hôtel des Monnaies, Victor Horta y construit entre 1894 t 1897 un vaste hôtel de maître pour l'ingénieur Camille Wissinger. C'est l'époque la plus flamboyante de l'inventeur de l'Art nouveau.

La façade de pierre blanche rehaussée de pierre bleue au rez de chaussée rompt une fois de plus avec toute la tradition architecturale. Ainsi, par exemple le bow-window du bel étage avec ses quatre colonettes de fonte qui se prolongent jusqu'au garde-corps de la terrasse supérieure s'appuie-t-il sur un autre bow-window lui-même supporté par         une console arrondie et galbée comme seul Victor Horta pouvait l'imaginer.

Toutes ferronneries forgées “en coup de fouet” achèvent de donner une impression somptueuse à ce magnifique bâtiment qui fut transformé une première fois par Victor Horta lui-même (1928-29), puis qui fut longtemps occupés par la compagnie d'assurance Le Lion Belge (quelques vitraux et      la boîte-aux-lettres en portent encore la marque) avant d'être restaurés dans son état originel par son nouveaupropriétaire. 

Rue de la Victoire, 34
Rue de la Victoire 34
Le 34 rue de la Victoire est particulièrement    intéressant car il témoigne de l'engouement incontestable des Bruxellois pour l'Art nouveau. Ici la construction est vaguement dans le style Renaissance flamande encore très prisé à l'époque
le style nouveau mais le décor, fers forgés, sgraffites, vitraux:      tout est dans style nouveau                         

 Pour le seul plaisir des yeux, voici successivement le vitrail   du bel étage donnant sur le rue de la Victoire  et celui 
donnant sur le jardin arrière
 Vitrail donnant sur la rue de la Victoire 
Vitrail donnant sur le petit jardin du 34 rue de la Victoire
                                         
10 – Le coup de génie d'Ernest Blérot

Depuis cette maison de la rue de la Victoire suivez  la rue qui part légèrement en diagonale et conduit directement à la rue Vanderschrick où  Ernest Blerot manifestera pendant quelques années tout son génie inventif. A la demande d'un promoteur immobilier, il prend le contrôle un terrain à bâtir et y règne en maître absolu y imposant une vision quasiment féerique de l'urbanisme moderne. Au total, entre 1900 et 1902, ce sont  18 immeubles qui surgissent de terre (maisons particulières, commerces et maisons de rapport: 13-15 chaussée de Waterloo, 1 à 25 rue Vanderschrick, 42 à 48 rue Jean Volders).
Un cas unique au monde :
17 immeubles qui forment le plus bel ensemble Art nouveau de la planète.
 

Pour réaliser ce prodige d'inventivité, Blerot est aussi le seul architecte Art nouveau à standardiser sa production pour en réduire les délais de fabrication et les coûts, ce qui ne l'empêchera jamais de personnaliser chaque demeure. En quelques années seulement, il construira ainsi une soixantaine de maisons  et... fera fortune avant d'être oublié, méprisé puis redécouvert. A l'époque où Bruxelles était ravagée sans scrupules  par les promoteurs immobiliers, c'est miracle que cet ensemble Art nouveau unique au monde ait survécu (presqu') intégralment. Laissé dans un quasi abandon pendant des décennies, il passionne aujourd'hui des amateurs éclairés (Français notamment) qui entreprennent de le restaurer et de lui rendre sa beauté fulgurante.
On en oublierait presque de regarder l'autre côté de la rue, meublé pourtant de fort belle maisons. L'une d'elle, le 10 rue Vanderschrick, mérite une attention particulière. 



10 rue vanderschrick, Jean Maelschalck
 ajoute une touche éblouissante à l'ensemble Blerot
Construit en 1904 par Jean Maelschalck cet immeuble Art nouveau en briques blanches rehaussés de pierres bleues, se distingue nettement du style Blérot mais s'en rapproche par l'abondance de ses décorations : sgraffites mordorés à tous les étages, larges balcons avec gardes-corps floraux“en coup de fouet” moulés en fontes dont le motif se retrouve dans la double porte d'entrée.


Sgraffite du 10 rue Vanderschrick, restauré récemment

11 – La pause s'impose


Rue Vanderschrick, il y a la possiblité de prendre une comsommation ou même un repas complet dans deux établissements installés dans des maisons Blérot restaurées. Le café restaurant “La Porteuse d'eau”, n° 25 rue Vanderschrick est un ancien bistrot modernisé dans un pastiche de l'Art nouveau . Il a pris son nom en hommage à la petite statue de la Porteuse d'eau de Julien Dillens dont la copie se trouve au carrefour dit “la barrière de Saint-Gilles” et l'original dans le hall de l'hôtel de ville (promenade n°5)

Autre lieu : le “Salon de thé “Jynga” installé au n° 3 de la même rue. La vitrine d'origine avec son décor en étain est sublime.


Malgré nos recherches, il ne nous a pas toujours été possible de déterminer la date du décès des architectes ou des artistes ayant réalisé une oeuvre montrée dans cet article ou de retrouver des ayants droit.  Afin de ne pas enfreindre involontairement la législation sur les droits d'auteurs, toute précision ou information concernant l'un ou l'autre document photographique  sera immédiatement prise en compte. Sans autorisation, le ou les documents photographiques seront immédiatement supprimés.  






lundi 9 septembre 2013

Quand  Bruxelles brusselait...
Will Van Cauteren raconte les histoires de Zénobie.
Et ça commence ainsi: "Ceci est le reflet, 
non de l'âme belge, mais de l'âme bruxelloise"
En 159 pages!
Mais qui est Will. Van Cauteren? 
Imposible de savoir.
Il a publié, en 1899, 
"Le plus beau voyage à vélo" (Les Bords du Rhin  et de la Moselle). 
L' homme ne serait donc pas trop dépaysé aujourd'hui.
Et en 1904, "Vers le Katanga", pour changer d'air sans doute.




Mon bouquiniste, un zwanseur, m'assure qu'en 
40 ans de métier, c'est la deuxième fois seulement  
qu'il a en main "Zénobie, Moeurs bruxelloises"
L'ouvrage a été publié, sans doute, vers 1905 
à la Librairie Vanderlinden. Il se termine par 
une dizaine de pages de  "Notes jugées indispensables 
pour la bonne compréhension du langage du terroir cher à Zénobie".

Très belle époque, l'illustration de la couverture (et du texte) est signée R. Martin

mardi 3 septembre 2013

Deux bijoux Art nouveau très oubliés avenue Van Volxem

Deux bijoux Art nouveau très oubliés 
avenue Van Volxem 


Au bout de nulle part, le long de la ligne de chemin de fer qui part de la gare du Midi, l'avenue Van Volxem est en plein renouveau. Le Wiels's, centre  de l'avant garde moderne, s'est installé dans les locaux art-déco de l'ancienne brasserie Wieemans. Un peu plus haut, es ancien ateliers du chausseur Bata ont été reconvertis joliment en appartements et même... en galerie d'art. Enfin, au 268 et 270 avenue Van Volxem, deux maisons Art nouveau aussi stupéfiantes qu'oubliées (mais bien restaurées). Elles ont été construite en 1901 par Edgard Fouarge à qui l'on attribue aussi deux maisons construites en 1900 aux  30 et 32 de la rue du Greffe à Anderlecht  (peut-être également une maison voisine).

268-270 avenue Van Volxem 

Le 268 est paticulièrement étonnant avec sa façade de briques jaunes et de pierres bleues qui compose un poème circulaire totalement inédit...
 en quatre épisodes:
 Fenêtre du demi sou-sol
1 - Demi sous-sol. La fenêtre, composée d'un rectangle et d'un demi cercle, est gardée par une grille en fer forgé "végétal évolutif".


Fenêtre du rez-de-chaussée
2. Au rez-de-chaussée, la baie rectangulaire est englobée dans un ovoïde de pierres bleues surmonté de deux renards taillés dans la même pierre. Ils supportent la dalle du balcon du premier étage



Premier et deuxième étages 












3. Au second étage la porte fenêtre donnant accès au balcon s'inscrit  aussi dans un cercle de pierre bleue. Le garde-corps du blacon est aussi végétal qu'... évolutif (comme dans la maison voisinne).dans la maison voisinne).Enfin au troisième étage, la porte fenêtre est simplement surmontée d'un arc outrepassé de pierre bleues. Hasard de la photographie, la porte entrouverte de cet étage donne l'impression que l'arc se transforme en point d'interrogation.

                                 Pur hasard? Au troisième étage, un point d'interrogation.
                                         
Les portes des deux maisons sont aussi très imaginatives. Celle du 
Feronnerie aux chardons du 270 avenue Van Volxem 
270  est percée d'un simple oval opacifié par un verre  américain translucide et gardée par une végétaion très sauvage en fer forgé

























Poignée de porte
au renard et au bouc
 
Et les poignées des  portes des deux maisons  sont composées  de la même façon: un renard au dessus ,  et d'une tête de bélier en dessous. Bestiaire exceptionnel.         
Malgré nos recherches, il ne nous a pas toujours été possible de déterminer la date du décès des architectes ou des artistes ayant réalisé une oeuvre montrée dans cet article.  Afin de ne pas enfreindre involontairement la législation sur les droits d'auteurs, toute précision ou information concernant cette date  sera immédiatement prise en compte. Sans autorisation, le ou les documents photographiques seront immédiatement supprimés.  
                                    

dimanche 1 septembre 2013

Heurs et malheurs de l'Art nouveau bruxellois


En janvier 1897, une toute nouvelle revue française, Art et Décoration, consacre l'essentiel de son premier numéro à la formidable révolution des arts décoratifs qui vient de surgir en Belgique. Son rédacteur en chef, François Thiébault-Sisson, affirme qu'à Bruxelles, un novateur vient de mettre au rancart toute l'architecture du XIXe siècle. Son nom: Victor Horta

En 1898, dans son analyse de l'Esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse, Léon Bazalgette choisit Horta pour montrer que la beauté peut surgir en dehors de la tradition classique. C'est à Victor Horta, affirme-t-il, que l'on doit l'existence d'un nouvel art architectural vraiment moderne. En cette fin de siècle, Bruxelles s'impose comme l'épicentre d'un phénomène fulgurant qui envahira par vagues successives l'Europe entière et même l'Amérique.
En 1900, dans son Dictionnaire des Arts décoratifs, le Français Paul Rouaix affirme que Bruxelles est en passe de devenir la plus belle ville d'Europe.

En 1961, conseillée par Jean Delaye, un élève de Victor Horta, la commune de Saint Gilles achète la maison particulière que le maître à construit à la fin du XIXème siècle. Sauvée des griffes des promoteurs immobiliers elle deviendra le Musée Horta.

En 1963, dans son numéro de septembre-octobre, l'architecte Pierre Puttemans pose une question angoissée et angoissante: Va-t-on détruire la Maison du Peuple? L'oeuvre magistrale de Victor Horta. Son cri désespéré est inaudible!


Deux ans plus tard, en 1965, la Maison du Peuple est pratiquement rasée sur ordre d'un Parti Socialiste plus désireux de réaliser une mirobolante opération immobilière que de conserver le témoin formidable de ses premiers engagements culturels et sociaux. A la place du chef d'oeuvre, une tour de béton de 70 mètres de hauteur défigure définitivement le coeur historique de la ville. Pur hasard de l'Histoire (avec un grand H) mais il y a des hasards qui n'en sont décidément pas, c'est ce moment qu'un écrivain français, Roger-H. Guerrand, choisit pour publier chez Plon L'Art nouveau en Europe. C'est la première étude-enquête globale sur ce mouvement ridiculisé et méprisé depuis des décennies. Signe qui ne trompe pas, Louis Aragon en rédige la préface qu'il intitule Le “Modern style” d'où je suis.

Couverture de la première édition 
du livre de Roger-H Guerrand (1964)

Roger-H. Guerrand envoie un exemplaire de son livre à un écrivain belge avec cette dédicace: “A Charles Bertin ce livre qui rend enfin justice aux artistes belges de 1900”. 


Trop tard pour la Maison du Peuple qui y est bien représentée et, aujourd'hui encore,  on peut "admirer" les conséquences de ce désastre...et découvrir qu'un demi siècle plus tard les joyeux promoteurs sont toujours impitoyablement à l'oeuvre comme en témoigne les deux photos ci-dessous (12 octobre 2013).  

A droite la tour en béton de 60 mètres de hauteur  qui a remplacé il y  a un demi siècle  la Maison du Peuple de Victor Horta. A gauche, l'immeuble actuellement  en construction qui  achèvera d'encadrer la Tour Anneessens, vestige de la première enceinte de Bruxelles  (XIVème siècle). 

Comme on le voit sur cette seconde photo,  la Tour Anneessens vient d'être restaurée...ce qui  a pu laisser croire au naïf que je suis  qu'elle serait bien mise en valeur... mais non! elle sera "intégrée" dans la plus morne des "modernitudes"... Déjà que sur son autre flanc elle est voisine depuis des décennies d'un...bowling! 

C'est un constat encore valable aujourd'hui, toute forme d'architecture peut être martyrisée à Bruxelles. Soyons toutefois reconnaissants. R.-H. Guerrand a marqué  le début d'une lente et irréversible  redécouverte de l'Art nouveau bruxellois...et européen. 

Cinq ans plus tard, ce sont deux italiens, Franco Borsi et Paolo Portoghesi qui publient successivement deux ouvrages fondamentaux chez Vokaer, l'un consacré à Victor Horta (1970), et le second à Bruxelles, Capitale de l'Art nouveau (1971).

Mais il faudra encore attendre 10 ans avant que la seule et unique grande exposition consacrée à l'Art nouveau belge soit présentée au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. C'était en 198O, pour le 150ème anniversaire de la Belgique.

20 avant que s'organise la protection du patrimone Art nouveau,
30 ans avant qu'en 2000 quatre maisons de Horta soit inscrites au patrimoine mondial de l'humanité
Et plus de 40 ans – bien après New-York, Paris et Londres – avant que cet Art nouveau trouve peut-être la place qu'il mérite dans un musée bruxellois. C'est du moins ce que l'on espère avec l'ouverture – déjà plusieurs fois retardée – du Musée fin de siècle au Musées Royaux des Beaux Arts de Bruxelles. Cette fois, l'ouverture est annoncée pour le 6 décembre 2013. Croisons les doigts!